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Fêtes de Wallonie 2021

Oser la Wallonie !

L’année dernière, nous avions, entre autres, à célébrer le quarantième anniversaire du Parlement de Wallonie, alors appelé Conseil régional wallon et pas encore élu directement.

En quarante ans, le paysage politique de la Belgique a fortement évolué, les Régions étant désormais le socle incontesté de l’Etat fédéral. La Wallonie a, au fil des réformes institutionnelles, étendu le champ de ses compétences mais le chemin n’est pas terminé.

Quarante ans, la force de l’âge dit-on, et surtout la force, la lucidité, la volonté d’appréhender son futur sans faux-fuyant.

Mais une quarantaine en a chassé une autre : les mesures de distanciation physique dues à la Covid 19 nous ont conduits, à raison, à annuler ce rendez-vous de passage dans la décennie suivante. Une certaine routine, d’une part, et un malheur succédant à un autre d’autre part, nous font parfois penser, à tort, que la pandémie est derrière nous.

Certes, la situation sanitaire permet de regagner pied à pied des espaces de liberté que nous avions dû concéder à la lutte contre le virus, principalement grâce à la vaccination, et je ne pourrai jamais trop encourager l’ensemble de nos concitoyens à se faire vacciner tant pour se protéger eux-mêmes que pour protéger les autres. Nous nous réjouissions ainsi de pouvoir à nouveau fêter la Wallonie, dans une certaine légèreté retrouvée. Malgré un comportement qui ne laisse pas de m’étonner : celui qui, au nom de la liberté de ne pas se faire vacciner, compromet et restreint la liberté de tous les autres.

C’est dans ce contexte sanitaire, meilleur mais toujours pesant, que la Wallonie a connu, au milieu du mois de juillet, censé être le milieu de l’été, des pluies torrentielles qui l’ont meurtrie, entraînant destructions, désolations, misère et mort.

209 communes wallonnes sur 262 ont été touchées, à des degrés divers. Des dizaines de milliers de nos concitoyens ont été frappés, souvent très durement : 38 personnes ont perdu la vie, d’autres, beaucoup d’autres, ont perdu le travail d’une vie, le souvenir d’une vie.

Deux mois après le drame, les plaies sont toujours béantes, malgré le courage des victimes, malgré la solidarité qui s’est organisée pour leur venir en aide. Les travaux de déblaiement sont toujours en cours, inlassablement, alors que la lueur de la reconstruction et du retour à un chez soi n’est encore qu’une lueur vacillante.

Au nom du Parlement, je veux redire aujourd’hui notre solidarité et notre soutien à celles et ceux qui ont subi, subissent encore et subiront longtemps, les conséquences du véritable déluge qui s’est abattu sur la Wallonie. Et je vous invite à respecter quelques instants de silence à cet effet.

La Vesdre, la Hoëgne, l’Ourthe, le Wayai ont semé le chaos et dévasté toute une partie de la province de Liège, la plus touchée. Mais partout ailleurs en Wallonie, la Biemme, la Lomme, l’Eau blanche, la Haine, la Dyle, le Nethen, l’Orne, la Grande Gette, la Lesse, d’autres encore, et même la Meuse, tous ces ruisseaux, toutes ces rivières et ce fleuve qui participent au charme de notre Wallonie, qui la dessinent, sont devenus facteurs de destruction et de dévastation.

La commission d’enquête que le Parlement a décidé de consacrer à cette catastrophe a une obligation absolue de vérité et d’explication à l’égard des victimes d’abord, de l’ensemble de la population aussi. Déterminer le pourquoi – outre les quantités gigantesques d’eau tombée – et le comment la catastrophe a pris une telle ampleur est un devoir civique. En tant que président, je veillerai scrupuleusement à ce qu’il en soit ainsi,

dans la plus totale transparence. Comprendre ce qui s’est passé mais aussi, malgré les dérèglements climatiques annoncés, éviter autant que faire se peut que de futures intempéries exceptionnelles n’entraînent une catastrophe de pareille ampleur.

Chaque fois qu’elle a été frappée par le sort, accidents d’origine naturelle ou humaine – et on peut notamment repenser aux cortèges de morts dans les mines -, la Wallonie a relevé la tête, avec dignité, sans jamais rejeter l’autre, sans jamais se refermer sur elle-même.

 

Mesdames, Messieurs,

La sortie de moments difficiles est souvent propice aux grandes avancées. L’après deuxième guerre mondiale nous a ainsi valu, entre autres, la création de la sécurité sociale et celle d’une institution européenne à laquelle il faut porter crédit, malgré toutes les critiques qu’on peut et doit lui faire, d’avoir mis ses membres à l’abri de guerres fratricides.

C’est précisément parce que les difficultés s’amoncellent qu’il faut agir avec une détermination redoublée.

Le temps est venu, aujourd’hui, enfin, d’oser la Wallonie.

Pour reconstruire, bien sûr, pour reloger, d’abord, pour poursuivre et accélérer la modernisation de notre économie, pour développer l’activité économique et, partant l’emploi de qualité.

Les inondations de la mi-juillet ont ajouté à l’ampleur du défi. Transformons cette contrainte et les malheurs qui la sous-tendent en opportunité, en ambition collective. La Wallonie doit se prendre en main, résolument, et pour ce faire doit pouvoir compter sur toutes et tous.

Dans un monde de plus en plus fracturé, où la pauvreté rôde et ronge, cette volonté, cette envie de Wallonie doivent bien sûr répondre à l’enjeu fondamental de la transition climatique mais elles doivent pareillement garder au cœur de nos préoccupations la cohésion sociale sans laquelle une société n’est qu’une addition d’oppositions infertiles quand elles ne sont pas destructrices et funestes.

 

Très longtemps, depuis 1830 et même avant, la Wallonie a été décidée, dessinée par d’autres et pour d’autres: la bourgeoisie francophone belge, d’abord, l’imposition flamande ensuite,  les deux se réunissant sous l’égide de la déserteuse Générale de Belgique.

J’en appelle aujourd’hui à la mobilisation générale de toutes celles et tous ceux, privés et publics, travailleurs et patrons, femmes et hommes de bonne volonté à aller de l’avant, à travailler à la Wallonie de demain pour un avenir prospère, respectueux de la dignité de chacun et de l’environnement.

Nous avons été trop frileux, trop longtemps. N’osant pas affirmer nos convictions, n’osant pas revendiquer notre avenir, subissant parfois les événements sans les transmuter  en objets de conquête ou de reconquête.

En ayant davantage confiance en nos capacités, en réunissant émancipations individuelles et développement collectif, il est plus que temps de nourrir un vrai projet qui affirme la volonté de la Wallonie.

Ce diptyque, épanouissement individuel et création de valeurs, c’est évidemment à l’école qu’il se construit et donc qu’il doit être pensé et défini.

L’école n’est pas et ne doit pas être un outil utilitariste au seul service de l’économie. Mais elle ne peut pas non plus être une île déconnectée du monde qui l’entoure.

Le meilleur plan de relance qui soit, c’est l’amélioration continue de notre enseignement.

Parce qu’il joue, je le répète, un rôle inégalable dans la construction personnelle de chacun et dans la capacité de chacun de trouver sa place dans la société, notamment en trouvant un emploi de qualité.

La Wallonie doit davantage se préoccuper de son enseignement, de ses enseignements en cassant radicalement le mauvais procès fait à l’enseignement technique et professionnel.

Il nous faut absolument redorer le blason des enseignements technique et professionnel, rappeler toute la noblesse et l’utilité des métiers auxquels ils mènent, et qui sont souvent en pénurie, doper leur attractivité et cela passe évidemment par des conditions salariales satisfaisantes.

L’enseignement a un rôle essentiel pour mener à l’emploi, évidemment, mais aussi pour construire des citoyens et amener nos enfants à réfléchir et à agir.

J’ai parlé d’enseignement peut-être aurais-je dû parler d’éducation et sans doute a-t-on commis une erreur, même si cela peut paraître relever d’un débat sémantique, de changer le ministère de l’éducation en ministère de l’enseignement. L’éducation, c’est, je cite la définition qu’en donne le dictionnaire Robert, « la mise en œuvre des moyens propres à assurer la formation  et le développement d’un être humain ». L’école, donc, mais aussi la culture et tout ce qui contribue à encourager, à stimuler la créativité.

La Wallonie a de tout temps été une terre de créateurs. Sans remonter à Rennequin Sualem dont la machine de Marly permit à Louis XIV d’amener l’eau au pied de Versailles, je citerai, non pour tourner les pages de l’album à souvenirs mais pour rappeler – ou simplement pour dire, parce qu’on ne l’apprend pas à nos enfants –  que c’est ici, en Wallonie, que furent inventés l’exploitation des minerais de zinc, Jean-Jacques Dony, dit abbé Dony, né à Liège, le premier processus mécanisé de génie civil,  Edgard Frankignoul, né à Liège, la fabrication industrielle de soude, Ernest Solvay né à Rebecq, la dynamo, Zénobe Gramme, né à Liège,  le moteur à explosion, Etienne Lenoir, né à Mussy-la-Ville ou encore la théorie du big bang, le chanoine Georges Lemaitre, né à Charleroi.

La Wallonie d’aujourd’hui regorge aussi de talents, de savoir-faire, de créativité. Nous avons des ingénieurs – trop peu -, des scientifiques, des artisans et des ouvriers de très haute tenue. C’est avec eux, c’est grâce à eux que la Wallonie doit et va porter un projet qui la conduira à s’assumer pour mieux être, pour mieux vivre.

Et dvins les årts, ele riglatih otant, clame le chant des Wallons.  Et dans les arts, elle brille autant, pour celles et ceux qui, depuis l’interdiction belge de l’apprentissage du wallon, en 1914, ne sont pas bilingues.

Les artistes, les mondes de la culture, sont aussi indispensables pour tracer le chemin, imaginer l’avenir et le construire. Leurs fulgurances, leur créativité sont des atouts pour la Wallonie et ses citoyens, pour autant que la Wallonie ne leur soit bâillonnée. Le cinéma français regorge de réalisateurs et d’acteurs belges, traduisez wallons. Mais ils ne sont jamais présentés comme tels, même de ce côté-ci du Quiévrain. Allez chercher pourquoi …

 

Mesdames et Messieurs,

Les femmes et les hommes politiques sont des acteurs parmi d’autres de l’ambition que j’appelle de mes vœux. Elles et ils peuvent donner une impulsion, un élan.

Ce 18 septembre 2021, nous célébrons le quarantième anniversaire, décidément, on n’en sort pas, du vote de l’abolition de la peine de mort en France, sous l’impulsion de Robert Badinter et

de François Mitterrand. Cette décision, que tout le monde salue désormais mais qui fut prise dans la douleur et même dans la haine, nous montre que le courage, s’il est réfléchi, est porteur d’avenir.

 

Vive la Wallonie !

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